La vaccination est un sujet est très délicat, surtout dans la situation de pandémie que nous connaissons, aussi je dois tout de suite préciser mon point de vue : je ne suis pas anti-vaccination ; je ne suis donc pas contre la vaccination des enfants (je reviendrai sur cette question plus loin).

On ne doit pourtant pas occulter que la vaccination peut entraîner des effets secondaires, quelquefois graves, ce dont on peut juger de deux points de vue très différents (1). Du point de vue sanitaire, au regard de l’ensemble de la population, autrement dit du point de vue statistique, les effets indésirables sont quantitativement faibles par rapport au nombre de personnes vaccinées et protégées. Les inconvénients l’emportent sur les avantages, donc. Problème, nous ne sommes pas des statistiques mais des personnes. De ce point de vue, le risque est d’être celui ou celle qui souffrira, parfois longuement de ces effets et parfois même succombera, comme c’est le cas malheureusement avec le vaccin AstraZeneca (nous en reparlerons tout à l’heure).

Voyons tout cela de plus près

Le but de la vaccination est de stimuler le système immunitaire pour produire des anticorps dirigés contre un agent infectieux. Dans le cas le plus général, il s’agit d’injecter un élément, appelé antigène, présent à la surface du pathogène. Depuis peu une nouvelle méthodologie a fait son apparition, qui consiste à injecter du matériel génétique, ARN ou ADN, extrait du pathogène.

Le système immunitaire est à deux étages. Le premier est en quelque sorte pré-armé, prêt à décoller. C’est la réponse immunitaire dite innée.

Le second étage se met en place ensuite, avec un décalage d’une quinzaine de jours. Cette réponse est dite adaptative car elle s’adapte à l’antigène.

Il faut bien voir ce que cette simple phrase implique l’organisme va élaborer un anticorps, donc une protéine, qui sera le reflet exact de l’antigène. C’est un problème qui a longtemps intrigué les immunologistes : comment l’organisme peut-il générer des anticorps dirigés contre toutes les structures possibles et imaginables, y compris des structures qui n’existent pas sur terre, ni ailleurs, car elles sont imaginées par des chimistes. La réponse est venue il y a une quarantaine d’années : l’organisme manipule ses gènes pour s’adapter à l’antigène qu’on lui présente.

Les anticorps sont produits par des globules blancs particuliers, les lymphocytes B, qui dans un premier temps vont produire des anticorps en quelque sorte « brouillons », plus ou moins bien adapté à l’antigène. Puis, par un mécanisme très élaboré qu’il n’est pas possible de détailler ici, les lymphocytes qui apporteront la meilleure réponse seront sélectionnés, vont se multiplier en améliorant au fur et à mesure leur réponse, jusqu’à obtenir des anticorps parfaitement adaptés à l’antigène.

Cela prend naturellement du temps, beaucoup trop de temps. Une quinzaine de jours c’est beaucoup trop long pour répondre efficacement à la survenue d’une infection.

Faisons un petit calcul. Les bactéries se multiplient de façon très simple, en se divisant en deux. A quelle vitesse ? On peut estimer qu’une bactérie qui pénétré dans l’organisme va se diviser en deux toutes les douze heures environ. Dans ces conditions, chaque bactérie va en générer UN MILLIARD en quinze jours. Pour les virus ce serait beaucoup plus.

L’organisme doit donc réagir immédiatement, sous peine d’être submergé avant de pouvoir monter une défense efficace. C’est le rôle du système immunitaire inné, le premier étage de notre fusée.

La réponse immunitaire innée est elle aussi très élaborée. Elle fait appel à d’autres globules blancs, notamment les lymphocytes dits NK pour « natural killers » et les DC, pour cellules dendritiques, qui sont nos sentinelles (il y a de nombreux types de chaque). Ces cellules constituent le système d’alerte : elles détectent non pas un antigène particulier mais des structures génériques, c’est-à-dire des structures moléculaires qui sont présentes chez des bactéries, des virus ou d’autres micro-organismes mais non pas chez l’homme. Elles signalent donc la présence d’agents infectieux. C’est pour avoir détaillé ce mécanisme de reconnaissance et d’alerte que Jules Hoffmann a reçu le prix Nobel en 2011.

Détecter la présence d’agents infectieux ne suffit pas ; comme nous l’avons vu, il faut les combattre immédiatement et énergétiquement. A ce stade les agents pathogènes qui ont pénétré ne sont pas identifiés avec précision, l’organisme mobilise alors des molécules et des mécanismes cellulaires ancestraux, universels, hérités des tout premiers temps de l’évolution. Non ciblés, ils génèrent des facteurs toxiques non-spécifiques. Parmi eux se trouvent ce qu’on appelle espèces réactives de l’oxygène, autrement dit de l’oxygène sous une forme chimiquement active. Ils sont destructeurs pour tous les types de pathogènes, mais aussi pour les tissus environnants. C’est l’inflammation.

(Voir l’excellent article de Wikipedia : Système immunitaire inné — Wikipédia (wikipedia.org)

Comme pour une fusée, les deux étages de la réponse immunitaire forment un tout. Il n’est pas possible d’induire la production d’anticorps sans allumer le premier étage, donc sans engendrer une inflammation. Aussi les vaccins classiques contiennent-ils un adjuvant, un produit destiné à induire cette réaction. Dans la majorité des cas, ce sont des sels d’aluminium. La quantité administrée est faible, certes, mais toujours suffisante pour induire une inflammation.

Quelle que soit la technologie, il subsistera un risque d’effets secondaires indésirables. Il peut se manifester chez les personnes susceptibles sous forme de troubles, modérés ou graves quelquefois gravissimes. Combien de personnes sont-elles concernées ? Il est difficile de l’établir, puisque ces « accidents » sont la plupart du temps niés : Rien ne permet de conclure que les troubles ressentis et les décès rapportés sont liés à la vaccination. telle est la réponse bien souvent avancée. C’est ce qui s’appelle botter en touche.  Circulez, il n’y a rien à voir. Ou bien : « Le vaccin n’a pas provoqué de problème de santé ; il n’a fait que révéler une pathologie qui était sous-jacente ». Argumentation fallacieuse, qui appelle à la révision du code pénal : dans ces conditions un homicide ne serait plus répréhensible car il ne ferait que révéler la condition mortelle de victime.

LES VACCINS ARN/ADN

La donne est maintenant modifiée. La vaccination vient d’entrer dans une nouvelle ère par l’utilisation du matériel génétique de l’agent pathogène, ARN ou ADN.  Une fois injecté, ce matériel est capté par les cellules dendritiques où il est transcrit en ARN messager (ARNm) pour être traduit en protéine, c’est-à-dire en antigène. Ainsi l’antigène n’est pas injecté mais produit directement dans l’organisme. Nul besoin alors d’adjuvant, le système immunitaire inné étant directement sollicité.

L’ADN est généralement incorporé dans un adénovirus, un virus atténué. Le vaccin Pfizer est différent. Il saute toutes les étapes pour ne garder que l’ARNm purifié. C’est en quelque sorte un vaccin ramené à sa plus simple expression, de sorte que de nombreux effets secondaires peuvent être évités. Il reste toutefois le risque d’une réaction anaphylactique (allergie). C’est une réaction grave  mais elle est manifeste peu de temps après l’injection et peut alors être combattue rapidement par l’équipe soignante préparée à y faire face.  Il reste un inconvénient pratique, il doit être conservé à -70° car l’ARN est très fragile, contrairement à l’ADN. La raison en est que dans une cellule la synthèse des protéines est rigoureusement contrôlée. Une fois traduit, l’ARNm est dégradé par des enzymes, les RNases. Ainsi, aussitôt lu, le message est effacé, de sorte qu’il ne peut pas être utilisé plusieurs fois de façon inconsidérée. Ces enzymes sont universelles et omniprésentes, si bien que tout ARN purifié doit en être protégé ou bien conservé à très basse température (il peut toutefois être gardé quelque temps à -20°).

Le grand avantage de cette technologie est qu’en cas de mutation du virus, ce qui se produit immanquablement et se vérifie avec COVID-19, il est possible d’isoler l’ARN et l’ADN du mutant pour produire un vaccin adapté. On éviterait ainsi ce qui se passe pour le vaccin de la grippe, qui est jusqu’ici produit à partir de souches virales de l’année précédente, donc est plus ou moins obsolète lorsqu’il arrive en pharmacie.  Certains cherchent à produire un vaccin universel, qui serait efficace contre tous les variants, mais l’objectif est encore loin d’être atteint. Quoi qu’il en soit, resteront de gros problèmes opérationnels pour produire en temps utile suffisamment de doses.

LA VACCINATION DES ENFANTS

Le système immunitaire des enfants n’est pas encore à maturité, si bien qu’ils n’ont peu de risque de développer une inflammation incontrôlée. C’est la raison pour laquelle ils ne présentent pas de covid-19 grave puisque, encore un fois, l’inflammation està la base de cette pathologie (2). Le système immunitaire est même totalement inefficace avant deux mois, ce qui ne veut pas dire pour autant que le nouveau-né est sans défense car il est protégé par les anticorps maternels, ceux qui traversent le placenta et ceux présents dans le lait maternel.  Aussi certains envisagent-ils de vacciner la mère enceinte pour que l’enfant soit protégé à sa naissance.

Donc en principe pas d’accident de vaccination à craindre pour les enfants. Certains parents sont inquiets de voir leurs enfants soumis à une vaccination multiple, plusieurs vaccins combinés en une seule injection. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour cette raison car l’adjuvant est le même, quel que soit le nombre de vaccins combinés. Ceci est la situation actuelle. Par la suite peut-être les enfants recevront-ils des vaccins ARN ou ADN.

ET MAINTENANT ?

Vers un vaccin universel.

Les vaccins ARN/ADN apportent une innovation dans un domaine qui a peu évolué depuis un siècle et demi. Cependant, les virus changent constamment si bien que les vaccins perdent au fur et à mesure de de leur efficacité. La difficulté est la suivante. Tout pathogène qui pénètre dans les cellules de l’hôte, qu’il soit virus ou autre, possède à sa surface des structures protéiques qui lui permettent d’adhérer à la cellule avant pénétrer à l’intérieur. Dans le cas de Covid-19 ces points d’ancrage sont les épines qui hérissent la surface du virus. Ces structures sont exposées, donc sont la cible des anticorps produits par l’hôte. Comme parade, le pathogène mute, modifie ces structures, de sorte que les anticorps deviennent partiellement ou totalement inefficace.

De nombreuses équipes s’activent à mettre au point un vaccin universel, qui aurait la même efficacité contre tous les variants, connu ou à venir. Le problème est ardu, et semblait jusqu’ici insoluble. Cependant une première réponse, remarquable, a été apportée pour le virus de la grippe. Dans ce cas, la structure d’ancrage du virus est une protéine appelée hémagglutinine. Une équipe américaine a créé un assemblage de différentes hémagglutinines, dans un ordre défini par ordinateur, constituant des nanoparticules. Le vaccin ainsi créé génère des faisceaux d’anticorps neutralisants dont les auteurs pensent qu’ils pourraient être efficaces contre tous les variants, ce qui éviterait d’avoir à renouveler la vaccination chaque année, comme c’est le cas actuellement (3).

POUR ALLER ENCORE PLUS LOIN

Encore une fois, l’objectif de la vaccination est d’amener l’organisme à générer des anticorps dirigés contre un pathogène. Mais les anticorps ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Ils sont l’aboutissement d’un processus initié par le vaccin qui fait intervenir de très nombreuses lignées de cellules. L’essentiel de la réponse vaccinale, donc de la protection induite par le vaccin, n’est pas humorale (anticorps) mais cellulaire. Les immunologistes doivent prendre en compte cet aspect (4).

ENFIN, EVITER LES FANTASMES

L’injection d’ADN ou ARN a fait naître toutes sortes de fantasmes : ce matériel génétique ne va-t-il pas s’incorporer au nôtre et nous transformer en monstres ou autres créatures abominables ? Non, le risque est nul. Modifier le matériel génétique d’une cellule demande une technologie élaborée qui ne peut être mise en œuvre que dans un laboratoire et ne peut être appliquée qu’à un nombre limité de cellules qui sont préparées de façon appropriée. Cela ne peut pas se produire avec une injection vaccinale.

 

 

  1. Une question de Point de Vue, nous disait la belle chanteuse, hélas oubliée, Christine Sèvres : Moi j’dis que la Seine n’a pas le même goût, vue par en-dessus ou par en-dessous.
  2. Ce n’est pas le virus lui-même qui provoque les dommages tissulaires, mais les réactions qu’il provoque dans l’organisme, notamment l’inflammation. Donc la maladie peut, et doit être soignée par un anti-inflammatoire, combiné à un antibiotique, car un virus est toujours accompagné de bactéries opportunistes. Voir : https://science-sapience.fr/covid-19/
  3. Boyoglu-Barnum et al., Nature 2021, 592(7855):623-8.
  4. Dona Faber ; Tissues, not blood, are where immune cells function, Nature 2021, 593(7860):506-9.

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